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LOUIS BARBE

La pratique de Louis Barbe se développe entre la peinture et la sculpture avec une cohérence remarquable. Elle est principalement picturale, s’exprime par un effort quotidien face à la toile, une rigueur presque monacale qui contraste avec l’exubérance singulière des œuvres du jeune peintre. On sent palpiter, derrière le tumulte des empâtements, une nécessité : celle d’apprivoiser le monde par la peinture. Louis nourrit la toile de ses expériences quotidiennes, du visage de ses proches, d’objets et de lieux intimes. La peinture-confidente, exigeante mais point avare, lui offre des révélations. Face au pullulement du réel, elle propose des pistes fantasmées, des micro-narrations qui se superposent au monde et le nourrissent de leur tension diégétique. Un enfant jouant tranquillement avec son château en plastique devient ainsi le tyrannique démiurge d’une prison panoptique, ordonnant sans ciller le massacre de dizaines d’hommes-lézards.
L’art de l’exagération, qui donne à l’œuvre picturale de Louis son caractère si singulier, tient en grande partie à l’importance laissée à la matière.

L’attention portée à la peinture comme substance informe l’intégralité de l’œuvre. Aucune préméditation dans la distorsion des corps et des visages, mais la lente rumination de l’image par la peinture, comme si, derrière la matière, se cachait un système digestif. Une coopération se met en place entre peintre et peinture, par laquelle les compositions initiales, pliées aux règles de la matière, trouvent leur équilibre dans l’hyperbole : situations improbables, visages expressionnistes, gestes démesurés… C’est une grande cohue enthousiasmante, crade et vivante comme une fête.

La volonté narrative qui sous-tend l’œuvre de Louis aboutit à un corpus cohérent, nourri de références diverses, de la culture urbaine au cinéma en passant par Breton et Foucault. Il y a là une sorte de dévoration du monde, un engloutissement du commun par la peinture, une nécessité de peindre pour rendre au réel son épaisseur, pour ne pas disparaître dans l’ennui. Le travail de Louis Barbe tend un maillage symbolique qui peuple le quotidien d’une foule de personnages grotesques, de complots souterrains, de gueules improbables. Il arbore les excès de l’expérience contemporaine, la folie des armes et l’idolâtrie du vacarme, pour lui opposer la possibilité d’une fuite : la contre-culture comme refuge, la danse des punaises de lit, la grande évasion.

Texte écrit par Armand Camphuis

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