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LAURE PINARD

C’est dans la lande couverte de roseaux qu’apparaissent les fantômes dans les écrits japonais. Ceux-ci, dans le cinéma, apparaissent d’ailleurs sur le même plan que les vivants, ce qui ne peut que troubler les habitudes d’un spectateur occidental. Marquée par le cinéma de Kenji Mizoguchi, en particulier Les Contes de la lune vague après la pluie, Laure Pinard cherche à son tour à créer leur condition d’apparition, à brouiller l’espace de la représentation. Développant une véritable hantologie, Derrida rappelait le devenir fantôme de toute tentative de captation et par conséquent du cinéma lui-même. En trouvant ses sujets à l’intérieur du film, Laure Pinard déploie ces réflexions sur la peinture.
Peut-on épuiser le fantôme ? Reprenant certains plans, recadrant sur des visages, des expressions, allant vers une concentration toujours plus grande de l’image, l’artiste étire le temps d’un regard, d’une grimace. Que ce soit au travers des gestes de la peinture à l’huile, du fusain ou de la pyrogravure, elle travaille par couches successives. Les images de film, pour la plupart sans titre, se mêlent avec ses propres images de famille et en particulier celle de son frère, Matthieu,Confort Entreprise dans les mêmes teintes de noir et blanc et de vert. Dans ce jardin très personnel, qui dans les dernières œuvres devient de plus en plus une échappée vers le paysage, l’artiste joue avec les limites de la figurabilité. Une seconde de trop avec la pyrogravure ne peut être réparée et en même temps une seconde de moins ne permet pas de déposer l’image. La pratique de l’artiste a finalement trait au souvenir par ses gestes même et le soutien de la photo ne retire rien au risque de la défiguration. La peinture peut certes être corrigée mais elle a aussi ses fantômes. Transmettre une image est-ce la posséder ou être possédée par elle ?
Henri Guette

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